Affaire d’honneur
En 1911, comment fut évité par la médiation un duel d’honneur à Gournay-sur-Marne
Lumière Frères https://catalogue-lumiere.com/duel-au-pistolet/
Rappel du contexte :
Jusqu’à la guerre, depuis la création de la commune de Gournay-sur-Marne en 1790, pour caricaturer, notre ville a eu pour Maire, soit le fermier de la Ferme de Gournay-sur-Marne, soit le châtelain du Château Rouge également propriétaire foncier des terres agricoles louées par le dit fermier.
En règle générale, au XIXème siècle quand le rôle de Maire était rempli par le Fermier, c’était pour rendre service au châtelain, trop pris par ses obligations parisiennes. Ça ne pouvait durer ainsi, la politique s’est emparée aussi des municipales.
De temps en temps, une personnalité locale, plutôt républicaine, voire radicale, sortait du bois et tentait de ravir les commandes de la Commune à la famille NAST-BALLU, avec en vue, la députation, le conseil cantonal ou le conseil départemental.
Exemples : Pierre RÉGNIER, Amédée PONCELET, Jules REBOUL, Ernest PÉCHEUX, Jules LUCAS, avec plus ou moins de succès.
Retour en arrière :
La famille NAST avait fait l’acquisition de Gournay-sur-Marne par phases successives entre 1803 et 1808.
Le 21 Mars 1876, M. Roger BALLU, (1852-†1908) jeune haut fonctionnaire parisien, neveu du Directeur des Beaux-Arts, épousa Mlle Gabrielle NAST (1855-†1925), fille de Gustave NAST (1826-†1904), châtelain et Maire de Gournay.
M Roger BALLU ne tarda pas à être coopté par l’équipe municipale de son beau-père, comme Conseiller Municipal, puis Maire jusqu’à sa mort. Il fut même député de Seine et Oise.
Roger et Gabrielle eurent cinq enfants dont André BALLU (1878-†1931), médecin militaire, Tony BALLU (1881-†1959), ingénieur agronome, et Guillaume BALLU (1880-†1963), et Mario BALLU (1881-†1972) hommes politiques.
Le Dr André Théodore BALLU qui se faisait appeler par dévotion pour son père, André ROGER BALLU et Guillaume BALLU furent maires de Gournay (pour le Dr André BALLU de 1925 à 1931 et pour Guillaume BALLU de 1934 à 1944).
Depuis la guerre Franco-Prussienne de 1870-71, la famille NAST essayait de quitter Gournay-sur-Marne, mais en vain. Ils savaient que le plus dur serait de vendre les terres agricoles louées, peu rentables.
M. Gustave NAST mit en vente aux enchères en 1888 tout l’attirail et le cheptel, ce qui permis de proposer la cession des deux hectares de la ferme libre de toute occupation.
En 1890 Hermann NAST (1853-†1908), haut fonctionnaire, magistrat à la Cour des Comptes et beau-frère de Roger BALLU décida son ami Fernand-Jacques-Marie-Samson GOMEL, haut fonctionnaire au Ministère des Finances et rentier d’une grosse fortune, à la recherche de bonnes affaires immobilières à investir dans la Ferme de Gournay pour commencer.
M Fernand GOMEL (1845-†1897) et son épouse Marie Isabelle PUJOS -FOUQUES DU PARC DU COUDRAY (1853-†1939) firent l’acquisition de la ferme de Gournay et simultanément du domaine d’Heurtebise à Gournay dans l’idée d’en faire leur villégiature des fins de semaine. Fernand GOMEL, eu égard à sa fiscalité locale fut élu conseiller municipal.
Le couple GOMEL-PUJOS avait fait également l’acquisition de plusieurs grosses exploitations réputées rentables à Noisy-Le-Grand. (La Haute Maison, La Grenouillère).
https://www.appl-lachaise.net/gomel-fernand-jacques-marie-samson-1845-1897/
Pour reprendre les choses en mains, M et Mme GOMEL-PUJOS devaient attendre la fin du bail de Fermage de Charles François POIRIER (1840, †1912) qui exploitait surtout un gros troupeau d’ovins sur les pâtures, les patis et les jachères. Fernand-Jacques-Marie- Samson GOMEL décédait prématurément à 52 ans, le 30 avril 1897. Hermann Nast, son voisin à Paris 9e et son ami fut témoin à l’acte de décès.
Ensuite Mme GOMEL-PUJOS confia en 1904 la direction de la Ferme à Monsieur Jules Edouard LUCAS, jeune ingénieur fraichement diplômé en agronomie, présenté par son ami Tony BALLU, confrère ingénieur agronome et directeur de l’ancienne Ferme Royale de Chelles, propriété des NAST.
Jules Edouard LUCAS présenta une réorganisation de la Ferme de Gournay pour en faire une ferme laitière moderne. Mais il avait aussi en politique des idées radicales et laïques .
Suite au décès de Gustave NAST en 1904, M. Jules Edouard LUCAS fut élu conseiller municipal. Après le décès le 18 mai 1908, de Roger BALLU qui venait d’être réélu maire, J.E. Lucas fut élu adjoint au maire de M Ernest PÉCHEUX remplaçant de Roger BALLU.
Avec LUCAS, Monsieur PÉCHEUX, avait réussi à faire barrage à André BALLU au moins pour plusieurs années.
Fin 1910-début 1911, le Docteur André BALLU, avait très mal pris des commentaires ou des déclarations critiques envers son père décédé le 18 mai 1908. Des langues perfides les avaient attribués à Monsieur Jules Edouard LUCAS, ingénieur agronome, directeur d’exploitation de la Ferme de Gournay-sur-Marne.
En février 1911, le Docteur André BALLU choisissait comme témoins, Louis DUPONT et Pierre PAUZE. Le Dr André BALLU leur faisait demander « réparation » à l’offenseur, qui était appelé à désigner ses témoins pour le duel.
Jules Edouard LUCAS demanda à Jules LEMOINE, professeur de mathématique et physique, demeurant rue du Prieuré et à Charles Marie Philibert Samson GOMEL (1876-†1940)[1] avocat et fils de Mme GOMEL-PUJOS, demeurant au château d’Heurtebise, d’être ses témoins.
Les amis des deux protagonistes ont compris que l’affaire pouvait très mal se terminer. En effet, le Dr André BALLU officier, médecin-major maitrisait le pistolet et l’escrime au sabre ou à l’épée tandis que M. Jules Edouard LUCAS, ingénieur agronome, jeune diplômé n’avait aucune expérience des armes, ayant été réformé pour mauvaise vue.
Les parties se sont réunis à l’initiative de M. Charles Philibert GOMEL, avocat à la Cour, et ont désigné un arbitre en la personne de M. Henri DA, avocat. La décision arbitrale estima qu’il n’y a pas eu diffamations de la part de M. LUCAS, qu’il n’y a même pas eu d’intention de diffamer et que par conséquent il ne pouvait être fait d’excuses par M. LUCAS pas plus qu’être accordé de réparation.
Les témoins, s’inclinant devant cette décision arbitrale ont alors considéré l’incident comme clos. Le 4 mars 1911.
Le Dr BALLU a immédiatement adressé à MM DUPONT et PAUZE, la lettre suivante :
Mes chers amis,
Merci du plus profond de mon cœur, du dévouement et du tact dans l’accomplissement de la mission dont vous avez bien voulu vous charger auprès de M. LUCAS.
Je m’incline devant la décision de M. Henri DA que vous avez désigné comme arbitre et je vous le déclare, je suis infiniment heureux de constater que la mémoire de mon père, si toutefois cela est possible, soit grandie et s’en va planant au-dessus de toutes ces choses.
Recevez l’assurance de toute mon amitié bien sincèrement reconnaissante.
Votre dévoué.
Dr André BALLU.
Il s’en était fallu de peu.
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Charles Philibert GOMEL est présent sur les listes électorales de Gournay-sur-Marne pour 1909, 1914, 1920 ↑