Compte rendu de l’exposition
Gournay a commémoré sa Libération les 27 et 28 août et tout le monde ressentait que si les opérations militaires américaines du 27 août 1944 étaient maintenant bien connues, il persistait un grand flou sur ce que la ville devait réellement à la Résistance en dehors des sacrifices ultimes de nos Morts pour la France résistants, Henri Jules Guérin, Maurice Guilbert, Claude Lebret, Gabriel Verdier dont des rues portent les noms.
Les générations précédentes des historiens de la ville avaient d’autres priorités. L’histoire des années 1939-1945 était trop fraîche. Ils ont donc accumulé des archives, recueilli quelques témoignages de première main dans les années 80 et ils ont laissé le travail d’analyse aux générations futures. Ce faisant, il y a aujourd’hui dans les archives de la société historique et dans celles de la commune toute la matière pour un travail approfondi.
L’exposition du 15-16-17 novembre 2024 commençait par un rappel du contexte historique, les prémices de la guerre, la stupéfaction de la capitulation et les pleins pouvoirs au Maréchal Pétain, l’appel à la Résistance du Général de Gaulle.
Quelques tableaux nominatifs détaillaient la soixantaine de prisonniers de guerre ou listaient la quarantaine d’autres gournaysiens qui furent volontaires pour le travail au service des allemands ici et en Allemagne pour une population totale recensée en 1936 de 1477 habitants à Gournay.
Le travail exposé s’efforçait de décrire avec précision les différentes facettes de la collaboration qui existèrent à Gournay et les conséquences de l’antisémitisme et de l’anticommunisme d’état dont des notables se firent les acteurs accidentels ou des complices zélés et dont les victimes politiques furent internées :
Jean NORTIER (1905-1988),
Dr Didier HAMMER (1904-195X),
Valérie LEONARDI-DREYFUS (1893-1973),
Jean LEONARDI (1902-1944),
et Salomon KAPPE (1900-1943) tué à Auschwitz
L’exposition racontait la naissance précoce de la Résistance à Gournay opérée grâce à quelques personnalités de droite et de gauche qui sauvèrent en quelque sorte l’honneur, et déplore l’abstention des alliés de l’URSS jusqu’en juillet 1941 où les communistes inaugurèrent leur patriotisme tricolore pour faire vite oublier le travail volontaire en Allemagne de certains camarades.
L’exposition essaye de montrer l’extrême concurrence et la défiance entre réseaux à partir de 1942. Elle suit le lent regroupement des mouvements non communistes de l’armée secrète, l’importance du renseignement et de la propagande dans les missions et le recrutement pour développer des corps francs pour l’action armée dans tous les mouvements à partir de 1943.
Leurs actions restées discrètes étaient notamment des sabotages des lignes de communication allemande (fer, télécom, fluvial, etc..) en Seine et Oise et en Seine et Marne, des vols de tickets de rationnement au profit des clandestins et des manifestations de propagande.
Le recrutement fut facilité par le refus croissant du travail forcé et les effets heureux sur le moral des débarquements alliées en Afrique du Nord, en Corse, en Italie en 1943.
L’histoire du drame du 16 août 1944 qui s’est terminé à la Cascade du bois de Boulogne, ne fait pas encore consensus entre historiens. Elle fut décrite pour l’exposition selon les dernières révélations des archives du service historique de la Défense à Vincennes. Il en ressort que l’audace et l’impatience des cadres FFI de Chelles-Gournay issus de Libération était d’une imprudence inexcusable.
Les conséquences politiques ne furent pas négligeables. L’épisode dramatique survenait dix jours seulement avant la libération par les américains. Il disqualifiait complétement les résistants non communistes de Gournay pour obtenir la direction du comité local de libération de Gournay qui allait former l’institution municipale provisoire gérant l’épuration et préparant la victoire aux premières élections d’après-guerre en avril 1945.
L’exposition analyse pour la première fois comment l’épuration fut réalisée à Gournay. Comme ailleurs, elle ne fut pas exempte de faux témoignages, d’accusations mensongères, de complaisances partisanes et d’un parti pris. Les méthodes de l’instruction, uniquement à charge, par le comité d’épuration étaient très loin d’offrir les garanties d’une justice équitable et non expéditive. Au moins un témoin à charge contre l’ancien maire fut violenté et tondu dans la précipitation le jour de la libération et bien sûr le résultat de ce conditionnement excessif fut de nombreux témoignages accablants contre Guillaume BALLU dans l’affaire du Dr Hammer, une de ses affaires de dénonciation de juif où l’ancienne mairie avait fait preuve de zèle et dans d’autres.
Le tableau le plus inédit de l’exposition montre de quelles manières Édouard LE PICHON, président du Comité Local de Libération de Gournay, de la Délégation Spéciale et du Comité d’épuration local, fut lui-même au bout d’un an, épuré de la mairie et de sa section locale par son propre parti, le PCF. Des soupçons gravissimes d’intelligence avec les allemands parvinrent des services secrets du GPRF (Gouvernement Provisoire de la République Française). Après son suicide, le scandale, lui aussi, fut bien étouffé à l’intérieur et à l’extérieur du PCF, notamment pour ne pas offrir aux nombreuses personnes restant à juger, un moyen de défense inespéré.
Les épurations les plus faciles furent celles d’assez nombreux gournaysiens appartenant à un parti ou une structure collaborationniste, les langues s’étant bien déliées le jour de la libération.
En revanche les responsabilités dans les affaires de marché noir ou de collaboration économique furent beaucoup plus difficiles à établir, les auteurs et complices de ces crimes étant très diffus dans la population ou ayant pris le large ou étant décédés, sans doute à la satisfaction des épurateurs locaux qui n’en étaient probablement pas tous exempts.
L’exposition proposait pour finir une liste des honneurs et des reconnaissances rendues ou pas aux principaux résistants et victimes, sans oublier les principales résistantes. Elle n’est pas exhaustive car nombre de résistants et de victimes sont restés clandestins, anonymes, soit par prudence, soit qu’ils ne ressentaient pas le besoin d’une reconnaissance officielle que d’autres qualifiés de RDH (Résistants de la Dernière Heure) au contraire ont bien recherchée, vainement.