L’agriculture au Prieuré N-D de Gournay
Un prieuré clunisien avait été fondé en 1061 par Guy 1er DE MONTLHERY et son épouse Hodierne DE GOMETZ à Longpont sur Orge.

Chapitre bénédictin de Longpont vivant sous la règle de Cluny
C’est sa mère Hodierne, qui transmit la seigneurie de Gournay à Guy le Rouge ou Guy II DE MONTLHERY . Celui-ci devint Sénéchal de France, grand ami du roi Philippe 1er.
Guy II et sa première épouse Adélaïde DE ROCHEFORT, furent témoin de la réussite de Longpont.
Guy et Adélaïde décidèrent vingt ans plus tard de créer à leur tour un prieuré clunisien. Ils lui donnèrent une part des droits féodaux de la seigneurie de Gournay et en firent avec la bénédiction de l’évêque de Paris, le Prieuré Notre Dame de Gournay.

Le domaine initial du Prieuré Notre Dame était une zone rectangulaire comprise aujourd’hui entre, au sud l’Avenue Paul Doumer et l’Avenue de Champs, au nord , l’Avenue Eugène Carrière et à l’ouest, l’Avenue Nast, à l’est, l’Avenue Roger Ballu.
En sus, le Prieuré reçut en dons d’autres chrétiens très pieux beaucoup de terres arables, de bois, de pâtures dans la Brie mais aussi des droits : droits à des pêcheries, droit à des moulins avec banalité, etc…
Tous ces biens et ces droits nécessitaient une main d’œuvre permanente et importante. Pendant ses trois premiers siècles d’existence de 1080 à 1380, le prieuré a reçu tous les moines qu’il pouvait accueillir, jusqu’à une trentaine.
En partie inondables, les terres de Gournay allaient demander beaucoup de travail, de savoir-faire et d’opiniâtreté aux moines. Heureusement que la communauté avait aussi été dotée de rentes et d’autres terres. Elle a pu céder certains de ses biens, ainsi elle disposait de trésorerie quand il fallait couvrir les besoins des mauvaises années agricoles pour cause d’inondation par exemple ce qui lui permit sans doute de s’entêter à Gournay.

La roue de la vie religieuse du XIIIème siècle
La règle de Saint Benoit (547) précise que le travail manuel doit être présent de manière raisonnable dans la vie du moine. Les moines cultivèrent donc eux-mêmes la terre de Gournay mais en respectant une répartition précise du travail manuel respectant les obligations spirituelles, le recueillement, la prière, les sacrements.

L’agriculture, l’élevage et la culture, coexistèrent avec le sacré dès l’origine du monachisme, dans la mesure où les moines avaient besoin de se nourrir et d’avoir du vin pour dire la messe, chaque moine étant prêtre s’efforçant à vivre avec sa communauté en autarcie.

La vie de prière et de charité des moines (bnf)

Saint Benoit confie sa règle.
Mais depuis Cluny créé en 910 où était pourtant prôné l’autarcie des communautés, l’ordre jugeait que la pratique de l’agriculture était un peu contraire à l’exigence du recueillement et de la prière.
Les moines clunisiens étaient très instruits, en latin médiéval au minimum, et les travaux d’écritures étaient considérés comme essentiels, prioritaires. Ainsi dans les grands couvents les plus respectés de l’ordre, alors que les moines se livraient à des taches intellectuelles, les terres étaient souvent exploitées par d’autres mains d’œuvre :
- en bloc par un seul fermier qui verse un cens (loyer) aux moines propriétaires et fait son affaire de la production à ses risques et périls
- par des métayers qui versent aux moines propriétaires une partie de la production
- par des serfs attachés à des parcelles.
- Par de multiples locataires de parcelles qui versent leurs cens à l’abbaye.
Le caractère inondable d’une partie importante des terres de Gournay, n’a sans doute pas permis de louer certaines terres et a obligé les moines à en exploiter une partie eux-mêmes avec peut-être des serfs.
Au prieuré Notre-Dame, contrairement aux grandes abbayes, tous les moines mis à part le prieur et son adjoint semblaient voués aux travaux manuels. L’abbé-prieur de Gournay souvent en déplacement en d’autres communautés, était épaulé par un moine-intendant.
Les archives dépouillées par la SHNGC dans les années 80 ont montré que le prieuré de Gournay était dépourvu de scriptorium (salle d’écriture). Tous les travaux écrits concernant Notre Dame de Gournay étaient réalisés à l’abbaye de Saint Martin des Champs qui en détenait exclusivement les chartes et cartulaires, ainsi que les actes concernant les transactions du prieuré de Gournay.
Gournay étant dispensé d’avoir ses scribes, chaque moine du prieuré Notre Dame devait avoir ses spécialités qui en viticulture, qui en pêche, en élevage piscicole, en meunerie, en cultures vivrières au potager, en fruitier, en conduite des bêtes de trait, bœufs ou chevaux pour le labourage, le hersage pour la culture des céréales, et en élevage d’ovin pour la laine, de vaches pour le lait, le fromage, en lavage de laine, peut-être en tannerie pour fabriquer des parchemins, en bûcheronnage et charpentage . Un temps ils furent charges de la construction et de l’entretien des ponts et moulins. La présence de la Marne, d’ïles et de plusieurs bras de ru permettait aux moines d’exploiter l’énergie hydraulique en construisant des moulins qu’ils exploitaient eux-mêmes au début puis qu’ils donnèrent en fermage.
Moine clunisien goutant son vin au cellier. Miniature du XIIIème. British Library
Les surplus de production non stockables permettaient à l’intendant de faire du troc mais surtout des ventes pour dégager des ressources en espèces pour ses achats.

Moines de Cluny au refectorium. Miniature tiré du manuscrit « Speculum historiale” (ms. 1196, fol. 141 v.) par Vincent de Beauvais (1184/94-1264) enluminure de Maître Francois (XVème, Musée de Condé, Chantilly)

À gauche la chapelle orientée (ouest-est) qui datait de Louis Le Gros (1081-†1137).
Lors de leurs échanges marchands avec d’autres cultivateurs, les bénédictins instruisaient et s’instruisaient des meilleurs pratiques de cultures notamment d’assolement, d’amendement, de sélection des variétés de semences, des sélections de races d’animaux dans le but d’un rendement optimal. Ils donnaient eux-mêmes des exemples de bonnes pratiques au monde rural en général.
Les bénédictins furent de remarquables organisateurs
Développement de la culture par planches permanentes consistant à disposer les principales zones de travail de la terre légèrement en butte à sommet plat et en pente douce pour que les eaux excédentaires s’écoulent ce qui limite les risques phytosanitaires.
Le potager : légumes, fruits, plantes médicinales d’herboristerie poireaux, choux, navets, topinambours
Le verger : fruits
Ils développèrent les surfaces dédiées aux grains avec l’utilisation croissantes des animaux de trait pour les travaux agricoles (bœufs, chevaux).
Leurs meilleures terres arables (faciles à labourer et à herser) sont celles qui contiennent au même degré l’argile, le gypse et le sable.
Ces terres labourables furent réservées en assolement pour les céréales panifiables : grains de blé, seigle, orge; les autres graminées d’avoine; les plantes fourragères[1] : (foin, herbe des prairies fauchée et séchée).
L’activité consista aussi en :
Élevage extensif pour la viande, mais aussi pour le dressage d’animaux de trait.
Élevage de chèvres et de brebis pour le lait. Élevage d’ovins pour la laine
Élevage en basse-cours de volailles et de porcs
Cultures pour l’autoconsommation.
Le droit de banalité pour le moulin à eau obligeait les paysans de la seigneurie de Gournay à faire moudre leurs grains au moulin des moines.
Exploitation forestière pour le bois de construction et de chauffage.
Tannerie de peaux pour les parchemins.
La Marne fournissait des poissons capturés vivants avec des gords, et élevés ensuite en étang ou conservés par fumage, pour les périodes d’abstinence des moines.
La culture de la vigne sur les parcelles en pente riveraine de Noisy et Champs permettait aux moines de produire un vin afin de subvenir aux besoins des offices de ces prêtres et de vendre les surplus de production aux marchands de vins des cabarets du port d’où les vins en barriques pouvaient être transportées par voie d’eau.
Avec la réforme, le recrutement de moines cessa assez brutalement et l’activité en propre du couvent fut réduite au minimum. Sans personnel le prieuré dut se reposer sur des fermiers. Dès le XVII Le Prieur était de fait un propriétaire foncier de terres agricoles importantes et le bénéficiaire de rentes considérables sans avoir de charges.
Exemple : minute provenant du répertoire minutier du notaire Simon LEBARGE à Paris MC/ET/XLIX/94.
Accord, reprise de bail de ferme, Gournay-sur-Marne concernant un bail signé le 29 juin 1551 entre le Bailleur Jean Paul de SELVE, Prieur de Gournay, et le Preneur l’honorable gournaysien M. BOULLANGER laboureur et marchand était alors le fermier du Prieuré de Gournay pour ses terres de Gournay-Champs et ses terres du Chesnay soit près de 200 hectares au total. (Dans un autre bail BOULLANGER est qualifié de « bourgeois de Paris ».)
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les plantes fourragères comme la luzerne ou sainfoin ne furent importées d’Italie qu’à la fin du XVème, de même que les trèfles importés des Pays -Bas ↑

