Quand Gournay recevait les artistes des Folies bergères en 1947
Quand Gournay recevait les girls des Folies Bergères en 1947
Nuit et Jour 19 juin 1947 source Gallica
Fin mai 1947, début de la saison estivale et balnéaire de la plage de Gournay , les patrons de l’établissement s’efforçaient d’être créatifs. Il fallait trouver des idées pour démarrer la saison en force.
Une idée géniale a germé : « faire venir à La Plage les SHOWS GIRLS les plus sexy de la nuit parisienne.
et leur offrir un séjour des plus agréables après une ballade à vélo : cocktails, snacks, bains de Marne, bains de soleil
Les actrices des Folies Bergères furent invitées à passer les après-midi de quelques mercredis (jour de relâche) en mai et juin à la Plage de Gournay. Leur transport était pris en charge bien sûr avec l’accord du directeur de la troupe des Folies Bergères.
Le succès était garanti à condition d’être très bien organisé et de prévoir une bonne couverture photographique par les journaux illustrés dont les lecteurs étaient friands de pin-ups. Le patron de la Plage qui avait des copains journalistes à Radio-Paris n’aurait aucune difficulté à en faire venir pour interviewer les plus belles filles de Paris dans un tel moment de détente décontractée.
L’événement s’avéra un grand succès médiatique et il fut renouvelé pour attirer de plus en plus la foule des jeunes parisiens à la plage de Gournay
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ÉLECTRICIEN et secrétaire du comité d’entreprise des Folies- Bergère, Roger Turban apostropha ses camarades un soir, après la représentation : — Si nous, profitions du beau temps pour faire, tous ensemble, une sortie demain après-midi ? Nous irions sur les bords de la Marne, par exemple… Quelques jeunes personnes qui songeaient sans doute à d’aimables rendez-vous firent la moue, mais la plupart approuvèrent chaleureusement : — C’est une chic idée !… On pourra prendre des bains de soleil et bronzer.
Turban poursuivit : — Ceux qui ont des bécanes pourront les enfourcher. Les autres n’auront qu’à nous rejoindre avec un autobus de banlieue. Michel Gyarmathy qui passait par là intervint dans le débat. Auteur, metteur en scène, et maquettiste de la revue, Gyarmathy se considère un peu comme le grand frère de toutes les jeunes personnes que la suggestion de Turban ne manquait pas de séduire. Aussi soucieux de la qualité de leur travail que de celle de leurs loisirs, il proposa : — Si les « candidates » sont assez nombreuses, je me débrouillerai pour les conduire là-bas en camion… Cela se passait la veille du 1er mai. Le lendemain, les commerçants, de la rue Richer, assez surpris de la fièvre qui régnait d’aussi bonne heure devant les Folies-Bergère, assistèrent au départ de la première sortie organisée par le personnel du grand music-hall parisien.
Juchés sur leur vélo, une quarantaine de cyclistes mirent le cap sur la banlieue. Les autres s’entassèrent avec bonne humeur dans un camion et le soir, tous revinrent en ramenant le muguet porte-bonheur. Depuis lors, tous les mercredis, les danseuses et les machinistes, les mannequins et les habilleuses vont passer l’après-midi « du côté de Nogent », comme dit la chanson.
Plus exactement à Gournay-sur- Mame où l’on ne vit jamais affluer autant de jolies filles. Nita Raya, la vedette de la revue des Folies-Bergère, vient souvent et volontiers partager les loisirs de ses jeunes camarades, qui rêvent assurément d’avoir un jour leur nom en aussi gros caractères sur les affiches. Mais ce jour-là, il est vrai qu’il est interdit de parler travail sous peine d’amende.
Tout se passe à la bonne franquette. On ne songe qu’à faire trempette dans la Marne, se faire bronzer au bon soleil, jouer au volley-ball, prendre des photos et manger sur l’herbe ou à la rigueur « Au rendez-vous des pêcheurs ». C’est le nom de la plus proche guinguette et depuis qu’il est assuré de la présence hebdomadaire de cette clientèle, le patron se frotte allègrement les mains. Un esprit facétieux lui a suggéré de débaptiser son établissement pour l’appeler : « Au rendez-vous des pécheresses, », mais ses jolies clientes se sont récriées et il y a renoncé. C’est qu’en vérité elles sont en général très sages, les danseuses et les « show-girls » des Folies-Bergère, car le travail s’en ressent lorsque l’on songe à la bagatelle. Au reste, presque toutes sont J-3, Pierrette, la plus jeune des « show- girls », a quinze ans tout juste. Sur les bords de la Marne, ces jeunes personnes sont moins dévêtues qu’au bord de la scène!… Décence oblige!… Seules, après la baignade, les danseuses nues vont à l’écart demander au soleil de bronzer leurs seins, aussi bien que le reste de leur corps car elles ne pourraient évidement affronter le publie avec une poitrine « bronzée comme un yaourt suivant l’expression consacrée dans la maison.
Raymond DAROLLE.
Photos BRODSKY.