Le Brochet d’Argent de Gournay
Quand une bonne table de Gournay-sur-Marne, le BROCHET D’ARGENT, faisait sa publicité en anglais dans les paquebots
Nous découvrons sur gallica.bnf.fr l’ATLANTIQUE, le quotidien offerts aux passagers des paquebots de la Cie Gle Transatlantique notamment le NORMANDIE lancé en 1931.
source : 23 Septembre 1931 https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k50423653
La campagne publicitaire a commencé en juin 1930 et continua fin septembre 1931.
Cette annonce publicitaire en anglais attira immanquablement notre attention. Car son libellé est plutôt accrocheur :
source : plusieurs parutions identiques entre le 21/06/1930 https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5042316m et le 23/09/1931 https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k50423653
Traduction :
Américains ! Ne venez pas en France
sans venir manger au Brochet d’Argent
et sans voir la chambre où Napoléon et Mme Récamier se sont rencontrés un jour sur les bords de Marne, Quai de Chétivet à Gournay-sur-Marne, à seulement 17 km de Paris.
Établissement créé en 1720, d’une réputation mondiale pour sa cuisine et ses vins. Tout le confort, prix modérés. Belle terrasse sur la rivière. Téléphone : N° 5. Blum, propriétaire.
La façade du restaurant dessiné sur la publicité rappelle la façade de la maison Régnier sur le Quai de Chétivet (renommé Promenade Marx Dormoy après la guerre, le n° 34 est siège de Activauto, une entreprise de dépannage) .
Monsieur Sylvain BLUM avait succédé à Monsieur LEGGE qui lui-même avait succédé à Hermann REGNIER dont la famille était déjà aux fourneaux et à la tête du fameux restaurant du quai de Chétivet vers 1848.
Les relevés de taille (l’impôt) indiquent que l’établissement était déjà un cabaret important en 1746, alors le second contribuable de Gournay, au nom d’un certain M. Claude PETIT. Il faut dire que des cabarets figuraient sur les cartes de navigation déjà au XVIIème siècle au Petit Paris, le vieux nom de ce quartier de Gournay situé rive droite de la Marne qui servit de port de transbordement depuis la nuit des temps .
Monsieur Blum qui serait arrivé à Gournay en 1929 ou 1930 était recensé au quai de Chétivet en avril 1931. Il n’est déjà plus là en avril 1936. Le brochet avait-il filé ?
Extrait du recensement d’avril 1931 au Quai de Chétivet, hôtel-restaurant.
Pourtant Sylvain BLUM qui avait vécu en Amérique du Nord et connaissait la force de la publicité a fait preuve d’une trop belle imagination, puisque sa publicité affirmait que les hôtes du BROCHET D’ARGENT pouvaient y voir la chambre où Napoléon avait rencontré Madame Récamier.
Voilà qui est plus que douteux car Mme Juliette Récamier née Bernard était une femme du monde des lettres, une salonnière très respectée. Elle était mariée (à blanc dit-on) à Récamier un grand banquier membre du conseil de gérance de la Banque de France. Elle eut une réputation d’immodérée, on aurait dit au XXe siècle, d’allumeuse, car ses amoureux éperdus étaient systématiquement éconduits. L’allumeuse n’était pas incendiaire.
À noter : parmi ses premières victimes sous le consulat et l’empire il y eut bien des Bonaparte mais pas Napoléon qui était du genre ni patient, ni platonique.
Voir à ce sujet l’excellent article du site napoleon.org qui nous résume le personnage complexe de Juliette :
« Beauté, mystère, sont les termes les plus souvent employés pour parler de Julie Bernard devenue, en pleine Terreur, la troublante et célèbre Juliette »
On sait que, sollicitée, elle refusa d’entrer à la cour de l’empereur évitant la politique au moins sous l’empire pour ne pas trop nuire aux affaires de M. Récamier, ni froisser ses amis royalistes. À la restauration elle fut une grande admiratrice de Chateaubriand qu’elle chérissait et qui présidait son salon à l’Abbaye-aux-Bois où elle s’était repliée après la seconde faillite de Récamier.
C’était donc là une affirmation bien aguicheuse de la part de Monsieur Sylvain BLUM dont seul le cuisinier devait s’y connaitre en brochet. Il pensait sans doute que les américains ne verraient pas l’anguille sous roche.
Juliette RÉCAMIER en 1807 (à 40 ans). Portrait de Firmin Massot
Licence cc-by-sa 3.9 Musée des B.A. de Lyon
Pour l’ancienneté de ce restaurant du Quai de Chétivet à Gournay, nous invitons à revoir ou voir ces articles du fameux site lemarneux.fr animé par M. Lucien Follet
Eugène Girardin et le Restaurant Régnier de Gournay au Quai de Chétivet
Girardin a probablement peint ces dames et les pigeons avant que les voitures automobiles ne fréquentent les quais. Peu de passage, le pont de Gournay était encore à péage, sinon des phaétons hippomobiles et des calèches qui prenaient les clients des…
et
Les restaurants du Quai de Chétivet à Gournay-sur-Marne
http://www.lemarneux.fr/2017/12/les-restaurants-du-quai-de-chetivet-a-gournay.html