Des cloches de Gournay et autres histoires par L.A. Hustin
Les illustrations et les mentions en italiques sont de la SHNGC Pâques 2025
Sans doute vers Pâques 1924, il y a un siècle, le très savant Président de la société historique du Raincy et du pays d’Aulnoye, LOUIS ARTHUR HUSTIN, qui fut journaliste, secrétaire particulier de JULES FERRY, magistrat à la Cour des Comptes, haut fonctionnaire de la questure du sénat, historien, se penchait peu avant son décès sur l’histoire des cloches du Raincy jusqu’à Chelles en passant par Gournay. L’occasion de raconter à nouveau tout ce qu’il savait de Gournay et qu’il pensait que les autres ignoraient.
…. Il y a dans l’église de Gournay-sur-Marne, Chapelle de la Vierge, sur le côté du chœur, à droite, une dalle à la mémoire de CLAUDE-ELISEE DE COURT, qui fut seigneur, pour partie (en fait, seulement chatelain en roture i.e. sans droit de seigneurie) de Gournay-sur-Marne et finit chef d’escadre (vice-amiral) … /… de COURT de LA BRUYERE avait remanié complètement le château, dont le peintre JEAN DUMONT, dit LE ROMAIN, avait décoré le salon de peintures de sujets inspirés du burlesque « Roman Comique » de SCARRON notamment « l’aventure du Pot de Chambre » du chapitre VI de la première partie datant de 1655.
Gravure de L. SURUGUE d’après le tableau de JEAN DUMONT DIT LE ROMAIN » intitulé « un serrurier coupe le pot de chambre pour dégager le pieds de RAGOTIN » inspirée de « l’aventure du Pot de Chambre » au chapitre VI de la première partie du Roman Comique de PAUL SCARRON de (1655). Source Musée de Valenciennes.
La très cocasse Aventure du Pot de Chambre » serait donc une des deux peintures de JEAN DUMONT LE ROMAIN qui ornait le salon du Sieur de COURT de LA BRUYERE vers 1729 au rez-de-chaussée du château de Gournay.
Le sachant, votre image de CLAUDE ELISEE DE COURT DE LA BRUYERE en est-elle écornée ou au contraire humanisée ?
JACQUES DUMONT DIT LE ROMAIN par QUENTIN LA TOUR en 1742
Le Roman Comique de Scarron est consultable sur gallica .bnf.fr en édition de 1655
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6424218b? pour la partie 1 et en diverses rééditions intégrales des trois parties, en français du 19ème.
Source Gallica BNF 1ère partie édition de 1655
Paul SCARRON Paris Musées
L’auteur SCARRON (1610-†1660) (ecclésiastique au Mans sous le nom d’Abbé Paul SCARRON), souffrant de spondylarthrite, soigné à l’opium, vivait sur un fauteuil roulant, quand, devenu parisien célèbre auteur, il épousa en 1652 une jeune fille pleine d’esprit, de grande noblesse mais pauvre de presque dix-sept ans FRANÇOISE D’AUBIGNÉ qui veuve habile devint plus tard Marquise de MAINTENON, éducatrice des enfants de LOUIS XIV et de Mme de MONTESPAN, puis épouse secrète du souverain.
https://www.parismuseescollections.paris.fr/
Gravure de L. SURUGUE d’après le second tableau de JEAN DUMONT DIT LE ROMAIN inspiré de la scène « La Rancune coupe le chapeau de Ragotin » du Roman Comique de SCARRON dont la copie ornait probablement aussi en 1729 le salon du château de Gournay.
Détail du portrait de Claude Elisée de Court de la Bruyère avec le ruban bleu
de la Grande Croix de l’ordre de Saint Louis
Surtout lisez avec profit le sublime article consacré à l’homme et à son fief de Gournay.
« Claude Elisée de Court de La Bruyère et son château de Gournay » par Mme Maryse Rivière
Au centre du parc du château, le Sieur de Court de La Bruyère avait élevé une butte qu’on appelait le « Mont Parnasse » sur les flancs de laquelle s’étageaient des grottes. Jeux et bosquets y alternaient. La Marne baignait le mur de sa terrasse. Tant et si bien qu’on ne reconnaissait plus la petite forteresse construite par Henri IV pour affamer Paris en empêchant les arrivages par la Marne.
Né en 1665, le Sieur de LA BRUYERE, de COURT, avait fait toute sa carrière dans la marine. Il avait combattu avec éclat sous TOURVILLE, JEAN BART, qu’il accompagna à Dantzig pour conduire le PRINCE DE CONTI[1], candidat (de Louis XIV) au trône de Pologne, DUQUESNE ET DUGUAY-TROUIN. Il fit le siège de Gibraltar, de Barcelone et fut chef d’escadre en 1715. Devant Toulon, (rappelé de sa réserve à 79 ans) il commanda la flotte franco-espagnole et coula le Malborough le 22 février 1744.
DE COURT DE LA BRUYERE [2]mourut dans son château de Gournay- sur-Marne, le 19 août 1752, précise sa longue et élogieuse épitaphe.
(Pour bien isoler son château du village) en 1720, il avait fait démolir puis reconstruire, sur les plans et l’exécution de frère FRANÇOIS ROMAIN, ingénieur architecte de l’ordre de Saint Dominique, l’église (paroissiale déjà) détruite pendant les guerres de religion, réédifiée en 1599.
Frère François Romain ingénieur dominicain par François Jouvenet (Musées de France)
Venons-en aux cloches de Gournay
Alors que la veuve de Gabriel MICHEL, Anne BERNIER était devenue, sur adjudication le 4 juin 1777, châtelaine de Gournay-sur-Marne, le lundi 7 octobre 1782 eut lieu la bénédiction de deux cloches, la première du poids de 203 livres fut appelée Marie-Jeanne-Françoise, la deuxième du poids de 143 livres, Pierrette-Augustine.
Elles avaient pour parrain PIERRE-FRANÇOIS LE NOIR[3] et pour marraine (la veuve de ) Messire FRANÇOIS DE CHAMPIGNY[4]. À la révolution ces deux cloches furent descendues (et furent vendues aux enchères à des fondeurs).
Le 15 août 1811, c’était la Saint Napoléon, on installa une cloche provenant de l’ancienne église parisienne des Augustins réformés ou déchaussés (aujourd’hui église Notre-Dame-Des-Victoires). Elle portait une inscription en français rappelant qu’elle avait été fondue au mois d’août 1680 ; le fondeur avait signé en latin « Petrus Jacobus me fecit ».
La cloche actuelle a été bénite le 1er octobre 1922.
L’article fut signé par Louis Arthur HUSTIN peu avant son décès en 1924
Source Gallica BNF département Philosophie, histoire, sciences de l’homme :
Société historique du Raincy et du pays d’Aulnoye. Bulletin du 1er octobre 1924 page -15-
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C’est à S.A.S. MARIE ANNE DE BOURBON veuve du PRINCE DE CONTI qu’ELISEE DE COURT acheta en roture en 1718 le domaine du château de Gournay-sur-Marne ↑
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DE COURT fut distingué en 1750, deux ans avant sa mort par LOUIS XV de la Grand Croix de l’Ordre royal et militaire de Saint Louis et du titre honorifique de vice-amiral du Ponant et reçut 16 canons de marine en cadeau. ↑
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PIERRE-FRANÇOIS LE NOIR, abbé de Saint Sulpice de Bourges, était prieur commendataire du Prieuré de Vaux et du Prieuré de Gournay-sur-Marne ↑
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L’élégant domaine d’Heurtebise était probablement alors la propriété du riche Sieur François de CHAMPIGNY ou de sa veuve. ↑